Une activité économique sévèrement affectée par les conséquences du conflit russo-ukrainien
Malgré une croissance solide au cours du premier semestre 2022 dans le cadre de la reprise post Covid, l’activité économique tchèque a, depuis, souffert des conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces dernières continueront d’affecter l’économie de la République tchèque en 2023, alors que le pays s’installe sur la voie de la stagnation. En effet, si la production industrielle (38% du PIB) est restée relativement forte en 2022 en raison d’une accumulation importante de commandes suite aux perturbations des chaînes d’approvisionnement en 2021, elle devrait s’essouffler en 2023. Tirée par l’industrie automobile (10% du PIB, 25% des exportations) et la demande extérieure, la base industrielle du pays sera affaiblie par la pénurie de semi-conducteurs, les prix élevés de l’énergie et la détérioration des perspectives économiques des principaux partenaires commerciaux de la République tchèque, en particulier l’Allemagne, qui représente un tiers des exportations du pays. Ainsi, malgré la diminution des importations, la contribution du commerce extérieur à la croissance du PIB sera négative. Si l’environnement économique incertain impactera également négativement la croissance de l’investissement privé, l’investissement public agira, quant à lui, à contrecourant, stimulé par le soutien des fonds européens. En effet, la République tchèque a commencé à bénéficier d’une partie des 7 milliards d’euros (3,1% du PIB) de subventions versés d’ici 2026 au titre du mécanisme de redressement et de résilience (RRF) de l’Union Européenne.
Enfin, malgré le dynamisme du marché du travail (taux de chômage à 2,4% au début 2023) et les mesures gouvernementales de soutien aux ménages pour faire face à l’inflation, la consommation privée contribuera négativement à l’expansion économique, affaiblie par les prix élevés de l’alimentation et de l’énergie, et la croissance négative des salaires réels. Avec un pic à 18% en septembre 2022, l’inflation a atteint un niveau record depuis les années 1990, contraignant la Banque nationale tchèque (CNB) à relever son taux directeur de 675 points de base cumulés à 7% entre juin 2021 et juin 2022. Si l’inflation annuelle restera supérieure à la cible de la CNB (2%), elle pourrait diminuer, conjointement à la baisse de la demande intérieure et à la détente des marchés de l’énergie.
La persistance des déficits jumeaux
Le retrait du soutien face à la pandémie n’a pas suffi à améliorer le solde budgétaire de la République tchèque en 2022, alors que les dépenses gouvernementales sont restées élevées afin de soutenir l’activité économique dans le contexte de la guerre en Ukraine. En dépit de l’engagement du gouvernement à mettre en place un programme d’assainissement budgétaire visant à réduire les dépenses publiques de 0,9% du PIB d’ici 2024 et à réformer le système des retraites, le déficit public devrait se maintenir en 2023. En effet, la hausse des recettes – permise par l’introduction de taxes extraordinaires telles que celle sur les revenus exceptionnels des entreprises énergétiques (1,1% du PIB) et des banques (1,5% du PIB) – ne compensera qu’en partie la hausse des dépenses. Ces dernières seront largement liées aux mesures de soutien aux ménages et aux entreprises pour faire face à la hausse du prix des produits de base, le gouvernement ayant alloué 72 milliards de couronnes tchèques (1% du PIB) au plafonnement des prix de l’électricité et du gaz.
Malgré la hausse des couts d’emprunt, le gouvernement financera aisément son déficit à la faveur de son accès aux marchés de la dette souveraine et aux financements européens dans le cadre du RRF. Toutefois, si le ratio de dette publique sur PIB de la République tchèque reste faible par rapport à ses pairs, il continuera à augmenter lentement sous l’effet de l’accumulation des déficits budgétaires successifs et de la hausse des taux d’intérêt, alors que la part en devises de la dette publique augmente à un rythme rapide compte tenu des rendements obligataires plus élevés sur la dette libellée en couronnes (7,5% fin 2021 contre plus de 20% en 2023).
Le solde de la balance courante s’est dégradé en 2022, alors que le déficit commercial s’est creusé sous l’effet de la hausse rapide des prix des importations d’énergie. En dépit d’un moindre déficit commercial, permis par la réduction drastique de la demande intérieure et le tassement du prix de l’énergie, le déficit de la balance courante ne devrait pas se réduire en 2023. En effet, si l’excédent des services (1,5% du PIB) se maintiendra, le déficit des revenus primaires (-2,9% du PIB) devrait s’aggraver, à mesure que le paiement des dividendes dans le secteur bancaire reprendra. Alors que la République tchèque a longtemps représenté une destination privilégiée des flux d’investissement direct étranger dans sa région, ces derniers restent modestes depuis la crise économique liée à la pandémie de la Covid 19 et ne couvriront qu’une faible part du déficit courant de 2023. Les considérables réserves de change permettront à la République tchèque de financer aisément son déficit courant, alors qu’elles couvraient encore confortablement 7,5 mois d’importations à la fin de l’année 2022, après les interventions de la CNB sur le marché des changes pour soutenir la couronne tchèque.
Le renforcement de la coalition gouvernementale face à la guerre en Ukraine
Suite à sa victoire à l’élection présidentielle de janvier 2023, Petr Pavel, candidat indépendant soutenu par la coalition de centre droit au pouvoir, a été investi le 9 mars 2023. Son élection ouvre la voie à une union plus étroite entre le cabinet ministériel et la présidence. En effet, depuis les élections législatives d’octobre 2021, une coalition de cinq partis gouverne le pays, menée par le Premier Ministre et chef du parti conservateur Civic Democratic Party (ODS), Petr Fiala. L’ODS, allié de l'Union chrétienne et démocratique-Parti populaire tchécoslovaque (KDU-CSL) et de Top 09 au sein de la coalition Spolu, a formé une alliance avec le parti progressiste Pirate et le parti centriste Mayors. Ensemble, ils contrôlent 108 des 200 sièges à la Chambre des députés. L’opposition se compose, quant à elle, du parti ANO de l’ex Premier ministre Andrej Babis (72 sièges) et du parti de droite radicale Liberté et démocratie directe (SPD, 20 sièges). L’invasion de l’Ukraine par la Russie a atténué les conflits interpartis au sein de la coalition et a déplacé l’orientation politique immédiate du gouvernement vers des décisions budgétaires conflictuelles. L’environnement politique devrait ainsi rester stable jusqu’aux prochaines élections législatives de 2025.
Alors que les relations tchéco-russe étaient déjà tendues avant la guerre en Ukraine, l’invasion russe a profondément affecté la politique étrangère de la République Tchèque. Petr Pavel a ainsi augmenté ses dépenses de défense, en vue d’atteindre l’objectif de l’OTAN de 2% du PIB, contre 1,4% début 2022. En outre, la République tchèque s’est très largement impliquée dans son soutien à l’Ukraine, accueillant massivement les réfugiés et apportant un soutien humanitaire et militaire important.