Une croissance toujours tirée par le tourisme
La solide reprise postpandémique s’est atténuée en 2023. La croissance est toutefois restée solide, principalement tirée par le secteur touristique, qui représente environ 25 % du PIB. Les arrivées ont surpassé les niveaux de 2019 au cours de l’été 2023 (supérieures de 13% à celles de 2019 sur la période de janvier à août), permettant aussi de stimuler les activités commerciales et hôtelières. En outre, la production industrielle a augmenté, sous l’impulsion de conditions météorologiques favorables pour le secteur hydroélectrique. En 2024, la croissance ralentira légèrement, mais restera robuste, toujours portée par le dynamisme du secteur touristique. Toutefois, l’exposition de l’économie monténégrine à la faiblesse de celle de ses partenaires européens pourrait peser sur les arrivées. La consommation privée (73 % du PIB) soutiendra encore l’activité. Sa forte croissance en 2023 est la conséquence de fortes arrivées touristiques, mais aussi de la croissance du salaire réel (hausse du salaire minimum de 250€ à 450€ par mois depuis janvier 2022, suppression des cotisations maladies employés, augmentation des salaires du secteur public en janvier 2023), ainsi que des flux migratoires importants, notamment en provenance de Russie et d’Ukraine. En 2024, une inflation nettement plus modérée, ainsi que l’augmentation de la pension de retraite minimale, bénéficieront au pouvoir d’achat des ménages. La reprise des investissements (20 % du PIB) devrait quelque peu s’accélérer. L'instauration d'un nouveau gouvernement renforcera la perception du climat des affaires, favorisant ainsi l’intérêt des investisseurs privés. Toutefois, la faiblesse de la demande extérieure, mais aussi le resserrement des conditions de financement, pourraient constituer un frein. Bien que les taux d'intérêt de la zone euro semblent avoir atteint leur maximum, une diminution des taux par la BCE n’est pas attendue avant la mi-2024. Les décisions de la BCE impacteront le Monténégro dans la mesure où son euroïsation prive la Banque centrale d’une politique monétaire indépendante. La résolution de la paralysie politique contribuera aussi la poursuite de l'agenda des investissements publics.
La position budgétaire s’améliore, mais les défis persistent
Le déficit public s’est nettement affaibli en 2023, grâce à un effort de consolidation budgétaire efficace. Le gouvernement a bénéficié de solides entrées de fonds, notamment au titre du paquet de soutien énergétique de l’Union Européenne et de certaines mesures d’élargissement de l’assiette fiscale mises en place en juillet. En 2024, le déficit public devrait à nouveau s’élargir. Sans l’injection de l’UE, les recettes seront probablement moins performantes. Le budget projette une forte augmentation de la pension de retraite minimale (+52 %), qui bénéficiera à deux tiers des retraités. Parallèlement, le gouvernement souhaite augmenter les dépenses d'investissement en capital, avec pour objectif le développement des infrastructures, en particulier la phase 2 de la construction de l’autoroute Bar-Boljare. Les autorités devront faire face à un service de la dette important qui s’élèvera à 7,4 % du PIB pour 2024. La trajectoire de la dette publique, descendante depuis 2021, devrait s’inverser, principalement en raison des importants besoins de financement à l’approche des échéances de remboursement des Eurobonds à partir de 2025. A 90 % externe, la dette publique correspond pour 45 % à des Eurobonds, et pour 17% à un prêt de l’Eximbank chinoise, ayant permis de financer la construction de la première portion de l’autoroute entre le port de Bar et la frontière serbe.
En 2023, le déficit courant s’est allégé. La hausse de la facture d'importations liée au rebond de consommation a été plus que compensée par celle des exportations de services, principalement liés aux recettes touristiques. La réduction du déficit sera moindre en 2024. Le dynamisme du tourisme maintiendra un large excédent des services (environ 19 % du PIB). Le déficit commercial structurel massif (environ 39 % du PIB) diminuerait grâce à une croissance plus modérée de la demande domestique. Néanmoins, les exportations resteront exposées à la méforme des économies européennes, tandis que la forte dépendance du pays à l'égard des importations le rend vulnérable aux variations des cours mondiaux des produits de base. Une croissance plus faible des remises d’expatriés pourrait limiter les flux entrants dans le solde des transferts (environ 6 % du PIB). Le financement du déficit courant se fera par le biais d’emprunts extérieurs et d'IDE, principalement dans la construction d’infrastructures liées au tourisme.
Un gouvernement à majorité pro-européenne, malgré une coalition diversifiée
Le second tour de l’élection présidentielle, le 2 avril 2023, a été remporté par l’ancien ministre de l’Économie Jakov Milatovi?, co-fondateur du parti « Europe Maintenant ! » (PES) avec 60 % des votes, face au président sortant, Milo ?ukanovi? (Parti démocratique socialiste, DPS). Jakov Milatovi? s’est engagé à combattre la corruption, à améliorer les standards de vie des habitants et à renforcer les liens avec la Serbie, avec qui de fortes divergences persistent, notamment en ce qui concerne l’indépendance du Kosovo. Le parti du président est aussi arrivé en tête des élections législatives, en juin 2023. En l’absence d’une majorité absolue (24 sièges sur 81 au parlement), il s’est vu contraint de constituer des alliances. Un accord de coalition est confirmé le 31 octobre, à l’issue de plusieurs mois de négociations. Dirigé par le premier ministre Milojko Spaji?, celui-ci regroupe 6 formations : PES, la coalition de droite à orientation pro-serbe et pro-russe « Pour le futur du Monténégro », le Monténégro démocratique (DCG), le Parti socialiste populaire (SNP) et d’autres plus petits partis de la minorité albanaise. Malgré la diversité au sein de la coalition, le gouvernement conserve une majorité pro-européenne, et garde l’objectif d’une adhésion rapide à l’UE. Membre de l’OTAN depuis 2017, en dépit d’une forte opposition de la minorité serbe, et appliquant les sanctions contre la Russie, le Monténégro est engagé dans des négociations pour adhérer à l’UE depuis 2010. Bien qu’une intégration à court-terme ne semble pas probable, l'élan d’un nouveau gouvernement pourrait dynamiser le processus, sous réserve que les divisions au parlement ne se révèlent pas être un obstacle persistant. En effet, les Monténégrins se sont rendus aux urnes en 2023 dans un contexte de crise politique, marqué par des tiraillements au sein du gouvernement. Après trois décennies au pouvoir du DPS, les élections législatives de 2020 avaient marqué une première alternance. Trois formations d'opposition, les coalitions « Pour le futur du Monténégro », « La paix est notre nation » ainsi que le parti Action réformée unie (ARU) avaient remporté ensemble la majorité absolue des sièges. Cependant, malgré leur unité initiale dans le rejet de la corruption, les partis d'opposition ont été confrontés à des divisions internes une fois au pouvoir. Le gouvernement dirigé par Zdravko Krivokapi? a été renversé en février 2022. Il a ensuite été remplacé par un gouvernement minoritaire dirigé par Dritan Abazovi?, à son tour désavoué en août 2022 lors d’une motion de défiance du DPS en lien avec un accord régissant les liens avec l’Eglise orthodoxe serbe, puis contraint à l’expédition des affaires courantes.