Un ralentissement modéré de la croissance, soutenue par les industries extractives et la dépense publique
Après les chocs de 2023 (coup d’Etat et glissements de terrain ayant interrompu l’approvisionnement énergétique et le transport ferroviaire), l’économie gabonaise a retrouvé son potentiel de croissance en 2024, à mesure que l’effet de ces chocs s’estompaient. Une érosion des prix et une stagnation de la production pétrolière, due à la maturation progressive des gisements, juste compensée par l’exploitation de nouveaux, pèseront sur la croissance en 2025. Les exportations pétrolières seront sous pression, d’autant que la demande chinoise, représentant 25% des exportations gabonaises en 2023, devrait ralentir en 2025. Toutefois, l’afflux d’IDE restera important en raison de prix mondiaux du pétrole (relativement) élevés et du potentiel de gains de production, si les récentes explorations de champs pétroliers portent leurs fruits. En témoigne le futur forage du puits Bourdon par BW Energy et son partenaire Panoro Energy, dans le cadre du permis Dussafu. Par ailleurs, dans le cadre de son plan national de transition (2024-2026), le Gabon intensifiera ses efforts de diversification économique. Le dynamisme de la construction et de l’agriculture, cette dernière portée par le développement de l’exploitation du bois et de l’huile de palme, jouera un rôle clé dans la croissance en 2025. Enfin, l’industrie minière gagnera en importance grâce à la hausse des prix et de la production de manganèse, notamment grâce à l’exploitation de nouveaux gisements à Okondja et Okouma. Les IDE dans les mines de fer de Banianka et de Belinga, dont l’exploitation débutera en 2025, stimuleront également les exportations non pétrolières. La croissance sera aussi soutenue par une augmentation de la dépense publique, principalement orientée vers les projets d’infrastructure, la refonte des listes électorales, le développement du capital humain et l’inclusion sociale. Une consommation privée, encouragée par la prolongation des subventions aux carburants, viendra également renforcer cette dynamique.
L’inflation diminuera encore en 2025, reflétant le resserrement monétaire adopté par la BEAC. Elle restera en dessous du seuil régional de convergence de 3% fixé par la CEMAC, en raison de la baisse des prix des denrées alimentaires et des carburants importés dont le pays est fortement dépendant. La BEAC pourrait donc assouplir sa politique monétaire en 2025 (le taux d’intérêt directeur principal s’élèvait à 5% en 2024). Cependant, la politique budgétaire accommodante, marquée par une hausse des dépenses publiques et une baisse attendue des recettes, pourrait raviver les tensions inflationnistes. En outre, un ralentissement de la baisse de ses taux d’intérêt par la FED peut faire craindre une dépréciation du franc CFA (donc une inflation importée).
Un creusement du déficit public et un excédent courant fragile
En 2025, le déficit budgétaire se creusera sous l’effet de dépenses publiques accrues, notamment la prolongation des subventions sur les carburants, la hausse de la masse salariale dans le secteur public et les coûts liés aux élections. Simultanément, les recettes publiques diminueront en raison de la baisse des revenus pétroliers (50% des recettes fiscales). Ce déficit sera principalement financé par des prélèvements sur les réserves de change du pays. La dette publique augmentera dépassant le plafond de 70% du PIB fixé par la CEMAC. La dette domestique en constitue une part importante (66%), l’accès aux financements extérieurs restant limité.
Le Gabon dépendant des hydrocarbures pour ses recettes d’exportation, une baisse de l’excédent commercial est attendue en 2025, malgré une hausse escomptée des exportations de manganèse et l’irruption de celles de minerai de fer. Parallèlement, les importations resteront dynamiques, soutenues par la demande des consommateurs et les projets d’investissement pétroliers, miniers et sylvicoles, avec leurs infrastructures de transport connexes. Le déficit structurel des services se creusera aussi, en raison de l’augmentation des compétences techniques importées. De plus, le rapatriement des bénéfices des entreprises étrangères pèsera sur le solde courant. La dette extérieure, entièrement publique, verra son poids dans le PIB diminuer en 2025. En novembre 2024, le Gabon a annoncé le rachat de la moitié de l’euro-obligation de 605 millions de dollars, arrivant à échéance en juin 2025, renforçant la confiance des investisseurs. Pour solder, le pays puisera dans ses réserves de change. Ces dernières couvraient 2,7 mois d’importations à fin 2023, un niveau inférieur au seuil prudentiel de 3 mois. Enfin, l’expiration, en juin 2024, de la Facilité élargie du FMI (553,2 millions de dollars), sans nouvel accord en perspective à court terme, exacerbera les risques de financement en 2025.
Des élections normalement attendues en 2026
En 2023, le général Brice Oligui Nguema a mené un coup d’Etat militaire qui a renversé le président Ali Bongo Ondimba, marquant la fin de l’ère du Parti démocratique gabonais, longtemps critiqué pour sa politique dynastique commencée en 1967. À la suite de ce renversement, la junte a dissous le gouvernement, suspendu la Constitution et instauré une transition militaire. Bien que le coup d’Etat ait été condamné par l’ONU et l’Union africaine, il a reçu un accueil largement positif de la population, lassée de décennies de mauvaise gouvernance et de corruption enracinée. Une nouvelle constitution a été approuvée par référendum, le 16 novembre 2023, par 91,6 % des votants, avec un taux de participation de 54%. Elle comporte des réformes politiques et juridiques, parmi lesquelles la limitation à deux mandats présidentiels de 7 ans, la suppression du poste de premier ministre et une procédure en destitution du président censée contrebalancée le renforcement du pouvoir exécutif Les résultats ont été validés par la Cour constitutionnelle, ouvrant la voie à des élections civiles, provisoirement prévues pour août 2025. Mais le retour à un gouvernement civil n’est pas vraisemblable avant 2026 en raison de l’implication de divers intervenants politiques et des multiples étapes précédant le processus, dont la révision du Code électoral. Il existe également un risque que l’armée refuse d’abandonner le pouvoir une fois la période transitoire terminée. Cependant, le soutien international jouera un rôle crucial pour encourager la junte à respecter ses engagements de transition.
En mars 2024, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) a levé ses sanctions politiques contre le Gabon et l’a réintégré dans le bloc régional. La France, avec ses intérêts extractifs stratégiques au Gabon, a maintenu un dialogue ouvert avec la junte. Après avoir suspendu leur aide financière à la suite du coup d’Etat, les États-Unis ont renforcé leur engagement diplomatique et économique avec le Gabon, en annonçant, en octobre 2024, une aide de 5 millions de dollars pour soutenir la transition démocratique. Des initiatives pour améliorer la sécurité portuaire, la surveillance maritime et les liens bilatéraux en matière d’investissement ont également été mises en œuvre.