Une croissance soutenue par le minerai
Touché par les tensions inflationnistes liées aux importations renchéries de riz, à l’augmentation des prix locaux du carburant et aux deux cyclones ayant entraîné des ruptures d’approvisionnement, le pays a connu une croissance économique ralentie en 2023. Face à l’effondrement des ventes de vanille, les autorités ont supprimé, en avril 2023, le prix plancher appliqué effectivement depuis novembre 2022 à l’exportation de la vanille noire (250 USD par kilo), sans supprimer le prix minimum de la vanille verte (5 kilos de vanille verte nécessaires pour un kilo de vanille noire) versé aux producteurs, fixé à 75 000 ariary le kilo (17.0 USD). Mais compte tenu de l’importance des stocks et de la concurrence croissante d’autres pays, ce dernier prix risque de ne pas être respecté. Toutefois, les exportations ont repris fin 2023 et cette relance devrait se poursuivre en 2024. Ce sera aussi le cas pour l’or, car le gouvernement a décidé, en mars 2023, de lever l’interdiction de ses exportations datant de 2020. C’est le développement du secteur des minerais qui stimulera le plus la croissance en 2024, grâce à la mise en œuvre du nouveau code minier, révisé et validé par la cour constitutionnelle en juillet 2023. La législation augmente les taux cumulés de redevance et de ristourne aux collectivités à 5% (contre 2%) et réduit la validité d’une licence d’exploitation à 25 ans (au lieu de 40), renouvelable une fois pour 15 ans (contre 20). Malgré le durcissement des conditions, les investissements étrangers et domestiques, en arrêt depuis plus de 20 ans, devraient ainsi augmenter. Ceci s’explique par un environnement juridique et réglementaire plus attrayant et par une demande mondiale soutenue pour les ressources minérales du pays, essentielles à la transition énergétique (graphite, nickel et cobalt). La mise en service de grandes installations d’extraction de graphite favorisera également les exportations de minerais. Des investissements publics soutiendront le secteur de la construction en ciblant des projets d’infrastructures, comme la construction d’une conduite d’eau dans le sud et d’une nouvelle autoroute devant relier Antananarivo et Toamasina, d’ici 2026. La consommation privée devrait rester faible en 2024, alors que l’inflation restera élevée et que la pauvreté touche 80% de la population. L’embargo indien sur les exportations de riz non-basmati, instauré en juillet 2023, tirera encore les prix alimentaires à la hausse, d’autant que 90% des importations de riz malgaches proviennent d’Inde. En 2023, la Banque centrale de Madagascar a augmenté ses taux de facilité de dépôt et de prêt marginal jusqu’à, respectivement, 9 et 11%, pour modérer les prix. Alors que l’inflation devrait ralentir en 2024, la BCM pourrait assouplir sa politique monétaire pour stimuler la croissance.
Des déficits jumeaux en baisse
En 2023, le déficit budgétaire s’est légèrement réduit grâce à une hausse des recettes (aide étrangère et taxes) supérieure à celle des dépenses. Les pertes accrues de la compagnie nationale de production et de distribution d’eau et d’électricité, Jirama, conséquences d’un accident dans une centrale hydroélectrique en 2022, ont pesé sur le solde budgétaire. Le gouvernement a dû augmenter ses transferts pour stopper l’accumulation des arriérés et assurer l’approvisionnement en électricité. Par ailleurs, en 2023, l’Etat et les importateurs revendeurs de carburants ont procédé à la compensation entre le passif du gouvernement, lié au gel des prix à la pompe, et les taxes impayées par les pétroliers. La mise en place d’un mécanisme automatique de fixation des prix des carburants, en début d’année, et les réformes de la Jirama, permettront de réduire le risque budgétaire en 2024. Les dépenses en capital, liées aux projets d’infrastructures du gouvernement, resteront élevées, mais le déficit budgétaire se réduira grâce aux recettes provenant du secteur minier et à la poursuite des réformes structurelles. Celles-ci ont pour objectif de rationaliser l’exécution budgétaire, d’améliorer la gestion de la trésorerie et de lutter contre la corruption. Elles sont soutenues par le FMI, qui a accordé, en mars 2021, une Facilité élargie de crédit de 312 millions de dollars, dont 228.7 millions ont déjà été décaissés, le solde devant l’être d’ici juillet 2024. Le déficit budgétaire sera essentiellement financé par des prêts concessionnels étrangers. La dette publique restera à un niveau soutenable avec une part extérieure (40% du PIB) principalement détenue par les multilatéraux et l’autre, domestique (15.3% du PIB), par les entreprises publiques.
En 2024, le déficit courant se réduira doucement grâce à une hausse des exportations de minerais, vanille et textile (demande états-unienne et investissements mauriciens), plus élevée que celle des importations. Ainsi, le déficit commercial diminuera en proportion du PIB, tout en restant à un niveau conséquent, du fait des prix encore élevés des importations (pétrole, produits alimentaires de base). Les remises d’expatriés (6% du PIB en 2022) excèdent largement les rapatriements de dividendes des investisseurs étrangers. La poursuite de la reprise du tourisme européen permettra d’équilibrer les achats de services nécessités par l’extraction minière. à. Le financement du déficit continuera d’être assuré par l’aide-projet internationale et les investissements directs étrangers, avec notamment le développement de la mine de nickel et cobalt par des entreprises japonaise et coréennes, alors que le projet australien de la base Toliara (ilménite) est toujours suspendu.
Une élection présidentielle dans un climat de mécontentement socio-économique
En novembre et décembre 2023 auront eu lieu les deux tours de l’élection présidentielle à laquelle le président sortant est candidat. En fonction depuis 2019, Andry Rajoelina avait déjà accédé à la tête de l’Etat, à la suite du coup d’état de 2009, et présidé la Transition de la République de Madagascar, jusqu’aux élections de 2013. Son administration actuelle est contestée pour ses lacunes de gouvernance, notamment la corruption (arrestation de sa directrice de cabinet en août 2023 à Londres). Deux anciens présidents, Marc Ravalomanana et Hery Rajaonarimampianina, se présentent également, et l’alliance de leurs deux partis constitue la principale force d’opposition pour les élections législatives de 2024. Accompagnés de neufs autres candidats d’opposition et de quelques centaines de partisans, ils ont défilé pacifiquement le 2 octobre, mais ont été dispersés par le gaz lacrymogène utilisé par les forces de l’ordre. L’opposition contestera les résultats du scrutin en cas de victoire du sortant après une campagne électorale verrouillée par le pouvoir. Le risque de coup d’état n’est pas négligeable, alors que l’armée est déjà intervenue dans le passé lors de transitions contestées (2002 et 2009 ; en dernier lieu). En mars 2023, le gouvernement a interdit toute forme de manifestation politique et réprimera les opposants en cas de protestations. Ces élections s’inscrivent dans un contexte de grand mécontentement, nourri par une croissance faible, une inflation élevée et une crise alimentaire, conséquence de chocs d’approvisionnements extérieurs, d’une sécheresse persistante dans le sud et de cyclones récurrents. A cela, s’ajoutent un taux de pauvreté élevé (80%) et une prévalence de la criminalité et du banditisme (hausse de 8% en 2021). En 2024, le pays continuera de dépendre de l’aide internationale (organisations multilatérales, France et Etats-Unis).