Envolée de la croissance soumise au lancement des hydrocarbures
L’agitation socio-politique locale et les tensions politiques et sécuritaires du voisinage ont altéré la consommation et l’investissement, affectant les secteurs manufacturier (textile, agro-alimentaire), agricole (prix des engrais et du transport), la distribution et l’hôtellerie-restauration. En conséquence, la croissance économique fut limitée en 2023. Elle devrait bondir en 2024, grâce aux hydrocarbures. En effet, le pays mise sur le lancement de deux champs offshores, un gazier et un pétrolier, stimulant la production, les exportations, les investissements et les recettes fiscales. Il compte sur un ruissellement à travers l’économie, via des effets multiplicateurs et grâce aux lois promulguées depuis 2019, favorisant le contenu local et encadrant la gestion des recettes. Toutefois, les dates de lancement de ces deux gisements restent incertaines, puisque reportées à plusieurs reprises. Le projet gazier de Grand Tortue Ahmeyim, partagé avec la Mauritanie et piloté par BP et Kosmos, devrait démarrer sa production au troisième trimestre 2024. La première phase prévoit une production d’environ 2,5 millions de tonnes de GNL par an, principalement destinés à l’Europe, et 5 millions de tonnes pour la seconde phase. Le champ gazier et pétrolier offshore de Sangomar, opéré par Woodside, vise un lancement à la mi 2024 pour une production quotidienne de 100 000 barils de pétrole par jour. Par ailleurs, en janvier 2024, la société turque Aksa Energy a démarré les travaux de développement d’une centrale électrique à gaz d’une capacité de 255MW et d’un gazoduc à Saint-Louis, au nord-ouest du pays. Budgétées à 475 millions de dollars, ces installations devraient être opérationnelles en 2026 et la centrale n’utilisera que du gaz naturel local. Des travaux d’infrastructures de transports soutiendront aussi la construction, comme le développement du premier port en eau profonde du pays à Ndayane, au sud de Dakar, opérationnel en 2026 et la poursuite du programme de modernisation des aéroports régionaux (PRAS). Afin de développer de nouveaux projets, le Plan Sénégal Emergent fait appel, depuis 2014, au secteur privé et aux financements multilatéraux et bilatéraux. La consommation privée profitera de la désinflation progressive, favorisée par le tassement des prix alimentaires mondiaux, malgré la poursuite de l’embargo indien (au moins jusqu’aux élections dans ce pays) sur ses exportations de riz, l’appréciation du franc CFA vis-à-vis du dollar et le resserrement monétaire. La BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) a encore augmenté son taux directeur de 25 points de base en décembre 2023 pour atteindre 3,5%, réduisant ainsi le différentiel de taux d’intérêt négatif avec celui de la BCE. En ligne avec la politique de cette dernière, et face à une inflation se rapprochant de la cible de 3%, la BCEAO devrait commencer à diminuer ses taux en 2024.
Les déficits jumeaux allégés par l’assainissement budgétaire et les hydrocarbures
En 2024, l’assainissement budgétaire se poursuivra, permettant au déficit public de conserver sa trajectoire descendante. Cette politique est encadrée par le programme du FMI (2023-2026) financé par le Mécanisme et la Facilité élargis de crédit (1,5 milliard de dollars à eux deux), ainsi que d’une Facilité pour la résilience et la durabilité (327 millions de dollars). Ainsi, le gouvernement poursuivra la mise en place des réformes structurelles destinées à élargir son assiette fiscale. Le budget 2024 prévoit la suppression de la suspension de taxes et de droits de douane adoptée en 2023 pour atténuer la hausse du coût de la vie, et la réintroduction de la taxe sur les smartphones. De plus, les exonérations d’impositions devraient diminuer, notamment sur la TVA, et les taxes sur l’alcool et le tabac augmenteront. A cela s’ajouteront des réformes pour améliorer la collecte des recettes, comme la numérisation et le renforcement des contrôles. A partir de 2025, le gouvernement devrait bénéficier d’une hausse de ses recettes, liée au démarrage de la production de gaz et de pétrole, qui devraient représenter 1% du PIB. Par ailleurs, il a annoncé la baisse des subventions énergétiques non ciblées, en les limitant à 1% du PIB, afin de freiner les dépenses, très sollicitées par les salaires des fonctionnaires (7% du PIB) et les intérêts de la dette (2,7% du PIB et 10% des recettes). Le gouvernement se financera surtout via des emprunts extérieurs (75% de la dette publique est extérieure, dont 60% multilatérale ou bilatérale et 26% obligataire), surtout auprès du FMI et de la Banque mondiale sous forme de prêts à projets concessionnels (1,2% du PIB). Il bénéficiera également de l’excès de financement de 2023, qui a alourdi le poids de la dette. En 2024, ce dernier diminuera grâce à la forte croissance économique et à la diminution du déficit primaire (cad hors intérêts). Ainsi, la viabilité de la dette restera en risque modéré, selon le FMI.
Le large déficit courant se réduira en 2024 en raison du début des exportations de gaz et de pétrole dont les recettes seront soutenues par les prix élevés. Elles amélioreront la balance commerciale, déficitaire du fait de l’importance des importations alimentaires (céréales), et celles liées aux projets d'infrastructures énergétiques et de transport, et aux produits pétroliers raffinés (du fait de l’absence de capacité de raffinage). Le déficit des services se réduira légèrement grâce à la croissance du tourisme (7% du PIB), mais la baisse sera limitée par le recours accru aux services étrangers pour l’exploitation d’hydrocarbures. Le déficit primaire se creusera avec l’augmentation des rapatriements des bénéfices liés au démarrage de l’exploitation des gisements offshore et le paiement des intérêts de la dette. Cependant, il sera plus que compensé par l’important excédent des revenus secondaires, puisque le pays bénéficie de larges envois de fonds de sa diaspora (environ 9,5% du PIB). Le déficit sera financé par des IDE, les prêts projets et les prêts programmes du FMI.
2024, un saut dans l’inconnu
Le Président Macky Sall a annoncé le 3 février, dans un discours télévisé, le report sine die de l’élection présidentielle prévue le 25 du même mois, invoquant un risque de troubles et un conflit entre l’Assemblée nationale et le Conseil Constitutionnel ; ce dernier étant accusé d’avoir failli dans la sélection des candidatures. L’annonce présidentielle, quelques heures avant le lancement de la campagne électorale, a déclenché des heurts dans la capitale, alors qu’une partie de l’opposition dénonçait un coup constitutionnel. Un report au 15 décembre 2024, ainsi que la prolongation du mandat présidentiel au-delà du 2 avril, ont été validés par 105 voix pour et un contre à l’Assemblée nationale, où la coalition présidentielle ne détient pourtant qu’une seule voix de majorité. Avant le vote, des députés de l’opposition avaient été évacués par la gendarmerie. Le mécontentement parmi les jeunes urbains, souvent sans travail, avait déjà enflé avec les arrestations successives du principal opposant, Ousmane Sonko, et la dissolution de son parti, le PASTEF. Lors de manifestations, particulièrement importantes en juin-juillet 2023, notamment à Dakar et Zinguinchor, ville dont Sonko est le maire, des affrontements violents avec la police avaient fait des dizaines de morts et des pillages avaient été commis. En janvier 2024, le Conseil Constitutionnel a déclaré inéligible Ousmane Sonko et un autre opposant, Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade dont la candidature a été jugée irrecevable à cause de sa double nationalité franco-sénégalaise. L’actuel Premier ministre Amadou Ba, membre de l’Alliance pour la République, désigné par la coalition au pouvoir (Benno Bokk Yakaar) pour succéder au président sortant Macky Sall, était censé l’emporter face à une opposition affaiblie et divisée (19 candidats). Mais d’après les sondages sa victoire n’était pas assurée, notamment face au remplaçant de Sonko, Bassirou Diomaye Faye, numéro deux de l'ex Pastef. L’année 2024 se présente donc comme un saut dans l’inconnu.
In a televised speech on 3 February 2024, President Macky Sall announced the sine die postponement of the presidential election scheduled for 25 February, citing a risk of unrest and a conflict between the National Assembly and the Constitutional Council, the latter being accused of failing to select candidates. The presidential announcement, a few hours before the launch of the election campaign, sparked off clashes in the capital, while part of the opposition denounced a constitutional coup. A postponement to 15 December 2024, as well as the extension of the presidential term beyond 2 April, were validated by 105 votes in favour and one against in the National Assembly, where the presidential coalition holds only a single majority vote. Prior to the vote, opposition deputies were evacuated by the gendarmerie. Discontent among urban youth, often unemployed, had already flared with the successive arrests of the main opposition figure, Ousmane Sonko, and the dissolution of his PASTEF party. During particularly large-scale demonstrations in June-July 2023, notably in Dakar and Zinguinchor, where Sonko is mayor, violent clashes with police resulted in dozens of deaths and looting. In January 2024, the Constitutional Council declared ineligible Ousmane Sonko and another opponent, Karim Wade, son of former president Abdoulaye Wade, whose candidacy was deemed ineligible due to his dual French-Senegalese nationality. Current Prime Minister Amadou Ba, a member of the Alliance pour la République (Alliance for the Republic) nominated by the ruling coalition (Benno Bokk Yakaar) to succeed outgoing President Macky Sall, was expected to win against a weakened and divided opposition (19 candidates). But according to the polls, his victory was not assured, particularly against Sonko's replacement, Bassirou Diomaye Faye, number two of the former Pastef. 2024 therefore looks like a leap into the unknown.
Le pays entretient des liens étroits avec les Etats-Unis et les pays de l’UE, en particulier la France, préservant une coopération économique mais aussi militaire, alors que les groupes islamistes du Mali pointent à la frontière sud-est. En parallèle, le Sénégal continue de diversifier ses alliances, avec la Chine, la Turquie et les pays du Golfe, dans le but d’attirer de nouveaux investissements. Le pays participe au projet « Korean Rice Belt » avec la Corée du Sud et sept autres pays africains, dans l’objectif de réduire les importations de riz et progresser vers l’autosuffisance.